Source : Louis Tremblay, Le Quotidien 16 octobre 2018
Le prix du bois d’oeuvre est en chute libre depuis le début de l’automne. Il s’agit de la plus importante baisse de prix enregistrée depuis les 30 dernières années, alors que les ventes du 1000 PMP (pied mesure de planche) se rapprochent dangereusement des coûts de production des usines québécoises.
Le marché du bois d’oeuvre est ainsi passé d’un record historique de 746 $ CD le 1000 PMP en juin dernier à 495 $ CD le 1000 PMP selon l’indice Pribec, lundi matin. Une dégringolade qui risque sérieusement de ralentir les investissements dans les équipements de production qui avaient repris depuis 2016.
L’économiste du Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ), Michel Vincent, explique que les scieurs ont connu une excellente année en 2017 et un très bon début d’année 2018. « L’industrie a effectivement connu une très bonne période, mais elle a duré un peu plus d’un an, alors que la crise avait duré cinq ans et coûté 1G$ US à l’industrie canadienne que les scieurs américains ont récupérée sans investir un seul dollar. »
« Ce que nous envisageons, reprend l’économiste, est une stabilisation des prix et la fin des chutes radicales comme celles que nous avons connues au cours des dernières semaines. Il n’y a pas d’indice d’une nouvelle hausse à court terme. Lors de la dernière crise, les prix avaient fléchi deux ans avant la récession. »
Les producteurs canadiens et québécois, en raison de la vigueur des prix, pouvaient exporter tout en versant au Département du commerce une surtaxe de 20 % sur les exportations. L’argent est dans un compte en fiducie pour chaque entreprise. La chute des prix rend l’exercice beaucoup plus difficile, selon l’économiste, puisque les entreprises ne savent pas quand elles vont récupérer leur dépôt et si elles toucheront la totalité des sommes versées en surtaxe à la fin du litige.
Les causes de la chute des prix sont multiples et découlent de la hausse des prix survenue aux États-Unis. La Suède, l’Allemagne et certains autres pays d’Europe ont exporté massivement sur le marché américain pendant que les scieurs de l’ouest du Canada reprenaient les livraisons. L’offre a ainsi monté rapidement alors que la demande est demeurée assez faible malgré la robustesse de l’économie américaine.
« En ce moment, les mises en marché aux États-Unis sont toujours sous les moyennes historiques. Nous sommes donc dans une situation où il y a beaucoup de bois sur le marché et une demande très moyenne. Des facteurs limitent la hausse des mises en chantier et la demande devrait donc demeurer sous la moyenne historique. »
Les promoteurs immobiliers font aujourd’hui face aux États-Unis à des restrictions sur le développement de nouveaux projets domiciliaires. Les villes ont appris de la dernière crise et il y a de nouvelles politiques pour freiner l’étalement urbain. Les entrepreneurs en construction doivent de leur côté composer avec une grave pénurie de main-d’oeuvre et ne sont pas en mesure d’accélérer les mises en chantier. Ce sont, selon Michel Vincent, deux freins sur lesquels il est impossible d’agir.
L’économiste explique que les entreprises qui sont actives sur les marchés d’exportation, dont les États-Unis, devront maintenir le rythme, afin de protéger ce marché. Elles doivent agir en fonction d’une imposition possible de quotas d’exportation.
« Si le gouvernement américain en arrive à imposer des quotas, ils seront établis en fonction de l’historique d’exportation. Ce qui oblige les scieurs à maintenir un certain rythme. »
Avant l’adoption du régime forestier, les entreprises disposaient d’une marge de manoeuvre sur la gestion de la récolte, puisqu’elles avaient la responsabilité de la planification. Aujourd’hui, le gouvernement récupère cette fonction et les entreprises sont soumises aux plans de l’État.